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Un de mes collègues du CRAFT (le laboratoire de recherche en technologie éducative où je travaille) me fait ces remarques suite à mon compte-rendu de la conférence CSCL :

“Beaucoup de prof du poly n’aiment pas faire travailler les étudiants en groupe invoquant que c’est toujours le même qui bosse et les autres qui en profitent. Ces grands-écarts entre la recherche et le terrain me font me poser cette question:
sommes-nous au service des enseignants avant-gardistes (avec les risques darwiniens que cela comporte) ou avons nous pour mission d’essayer d’élever le niveau du plus grand nombre?”

Ma réponse :

Tes commentaires au compte rendu de la conférence CSCL nous donnent en effet l’occasion de confronter deux visions qui forment l’ossature du craft. L’e-mail n’est peut être pas vraiment le bon format pour en discuter, d’autant plus que d’autres que moi pourraient argumenter quant à cette problématique. Néanmoins, je tiens à livrer mon avis (non exhaustif et écrit dans la hâte 🙂

Il s’agit effectivement de discuter des liens entre recherche fondamentale (en tant que doctorant je m’inscris la dedans) et application/évaluation de projets (où se place Jean Louis entre autre). L’objet de la recherche en pédagogie/technologie éducative et donc son corollaire, les idées qui en découlent (par exemple l’étude des interactions au sein des groupes de travail ou encore l’étude des effets de telle technologie dans telle contexte) ne sont pas, à mon sens, vouées à être toutes appliquées telles qu’elles. D’une part parce que le transfert de résultats d’expérimentations conduites en conditions controlées et dans des situations/types de tâches particuliers n’est pas trivial. D’autre part parce que d’autres facteurs (comme l’acceptation par l’enseignant comme Jean Louis le cite) sont de véritables résistances pour l’application de ces innovations.

Alors finalement on peut me rétorquer : à quoi peut servir la recherche fondamentale ? Attardons nous sur l’utilité des résultats de recherche pour l’enseignant qui voudrait introduire des technologies éducatives dans son activité. La recherche peut aider à désambiguiser ces mêmes technologies en en montrant le potentiel pour les étudiants (ainsi que pour l’enseignant lui-même soit dit en passant, je renvois aux outils de gestion de projets sur lesquels travaillent Patrick, Sandrine et Maniratan notamment). De plus, elle peut également montrer l’utilité de tel modèle pédagogique dans tel type de contexte (par exemple : le behaviorisme est plus utile pour apprendre les tables de mulitplication que le tatonnement constructiviste). Les études sur les différents modèles pédagogiques permettent donc d’enrichir les différentes manières de concevoir un cours (en alternant plusieurs modèles d’enseignement : de l’apprentissage situé au socio-constructivisme). Ensuite, l’utilisation de technologie éducatives peuvent susciter le questionnement et la refonte des cours de certains enseignants en permettant la prise de conscience d’autres critères qui ne paraissaient pas évident a priori. Ce peut aussi être le moyen de coupler l’enseignement de thèmatiques annexes mais nécessaires (par exemple, souvent le fait que les cours projets soit en groupe et à distance implique que les étudiants aient de bonne notion de gestion de projets).

Je considère pour ma part la recherche comme un vivier de connaissances dans lequel ceux qui le désirent (en l’occurence l’enseignant voulant utiliser des technologies éducatives dans son cours par exemple) peuvent puiser pour y trouver des idées, des méthodes, des contraintes (par exemple : le Miller’s magic number seven qui dit, d’après une étude de psychologie expérimentale, que l’être humain ne retient que 7+/-2 items en mémoire à court terme :). Finalement, faut-il fournir un pourcentage du type “si 30% de nos idées sont appliquées, c’est bien” ? Je ne le crois pas, l’essence même de notre travail en recherche est plutot à mon avis de faire “remonter” de la connaissance, des idées pour aider/déclencher d’autres idées chez d’autres gens en fournissant des repère des potentialités tant des technologies que des impacts sociaux et cognitifs qu’elle occasionnent.

Pierre rajoute :

Le point noir est : si les techologies consistent uniquement à reproduire une pratique d’exposé ex-cathedra que l’on veut réduire, elles n’ont pas beaucoup d’intérêt. A l’inverse, si l’adoption des technologies exige que le prof change complètement son mode d’enseignement, seul quelques profs très motivés s’y mettront. Donc, l’idéal sont des technologies qui trouvent le juste milieu,assez compatibles aux pratiques pour être adoptées et assez innovantes pour être utiles à quelque chose.

L’absence de collaboration entre enseignants est une maladie grave de l’enseignement, à tous les niveaux d’enseignement. Dans les milieux primaires et secondaires, il existe maintenant des communautés on-line très vivantes, par ex. ‘prof de bio pour gymnase francophone’, qui s’échangent du matériel, des images, des idées, des questions,… L’objectif est de mettre davantage en réseau les profs de l’epfl qui collaborent avec 243 collègues en matière de recherche et pas en matière d’enseignement. On ne vas pas changer les mentalités en 1 jour, mais c’est de notre devoir de les faire réfléchir à des choses telles que “le livre de votre voisin de couloir est-il vraiment inutilisable dans votre cours?’

Il existe de très nombreux travaux sur l’efficacité de l’apprentissage en groupe, efficacité avérée dans environ 2/3 des études; des travaux sur quand, comment et pourquoi ca marche. Notre job n’est pas d’accepter tout ce les profs disent sinon le Craft ne servirait pas à grand chose, mais de leur expliquer, les convaincre, les… former. Le développement du travail en groupe est une des composantes du modèle de formation active que le craft est chargé de développer au sein de l’EPFL.

Les 2!!!! Il faut miser sur les avant-gardistes et investir sur les autres (sauf les hyper-reac). Mais, PLEASE, ne tombons pas dans les clichés qui opposent pratique et recherche. Toutes les systèmes présentés à cette conférencesont été testés dans des vraies classes, avec de vrais profs et de vrais étudiants, bref exactement sur le terrain. Un enseignant qui réfléchit à son enseignement, qui se pose des questions te essaie d’y répondre est déjà presqu’un chercheur. En outre, tous les chercheurs de ces communautés sont aussi des enseignants. Cehercheurs et practiciens travaillent dans des mondes avec des contraintes différentes, mais ne faisons pas de ces différences une opposition !